Catégories
Affirmer la paix Artisans de paix Initiatives de paix Non-violence Pardon et réconciliation résilience Visages et rencontres au-delà des frontières

Oscar Romero : figure inspirante au cœur de l’action non-violente

PubliciteMgrRomero_8,5x11

Nous commémorons en 2020 le 40e anniversaire de l’assassinat d’Oscar Arnulfo Romero, figure de la résistance non-violente, à la hauteur des grands comme Mohandas Gandhi ou Martin Luther King, assassinés respectivement il y a 72 ans et 52 ans.

Devant la clameur du peuple pour tant de crimes, il a réconforté, dénoncé et appelé au repentir telle la voix qui crie dans le désert. L’archevêque de San Salvador s’est transformé de simple prêtre adhérent au statu quo, en un prophète audacieux qui dénonçait le comportement des élites nationales et internationales alors qu’il témoignait d’une option préférentielle pour les pauvres. Fidèle à cette option, et pour faire face à des situations désespérées qu’engendrent la misère et l’oppression, il s’est entouré d’une équipe de professionnels pour juger de manière critique et objective les dimensions conflictuelles de la réalité sociale : droits humains et associatifs, éducation, réforme agraire, mortalité infantile, indice de malnutrition, analphabétisme, conditions de travail, etc. Il s’est ainsi forgé une renommée internationale comme défenseur des droits humains et s’est situé de façon consciente devant l’histoire afin de la juger à la manière d’un projet, selon les critères du Règne de Dieu.

L’esprit de non-violence

Reconnu comme un pasteur exemplaire au service de l’église, il incarne l’esprit de non-violence, caractéristique première d’une vision de la paix et philosophie comme attitude politique de ceux qui rejettent l’utilisation de la violence dans la résolution des conflits.

Convaincu de la force morale de la non-violence, son analyse de la violence est succincte et énergique: «L’Église n’approuve ni ne justifie une révolution sanglante, ni les cris de haine. Mais elle ne peut pas non plus les condamner alors qu’elle ne voit aucune tentative d’éliminer les causes qui causent cette maladie dans notre société …»[1]

En tant que messager de la paix, il a fait preuve de compréhension de la réalité politique et sociale de son pays. «Mon jugement n’est pas politique, encore moins opportuniste, l’Église ne vit pas d’une conjoncture mais de la grande utopie, au-delà; le peuple doit être l’architecte de sa propre société. Vous devez vous donner la société que vous voulez: démocratique, socialiste, communiste; vous êtes le peuple. Un langage de violence provoque la répression».

Nous pouvons reconnaître, dans ce que Romero a écrit sur les complexités de la violence et la réponse à cela, son choix clair pour la non-violence [2]:

«L’Église préfère le dynamisme constructif de la non-violence: le chrétien est pacifique et je n’ai pas honte de cela…pas simplement pacifiste, car il peut combattre, mais préfère la paix à la guerre. Le chrétien sait que des changements violents dans les structures seraient fallacieux, inefficaces en eux-mêmes et non conformes à la dignité humaine (Medellín Documents, Paz, # 15)».

Sans aucun doute Romero incarne la non-violence avec «une dimension profonde de bienveillance tant à l’égard des autres humains que de la création toute entière. Une attitude faite de respect profond, d’ouverture et de gratitude, qui cherche à construire ensemble sans dominer ni exploiter. Une conception de la non-violence comme une arme urgente et efficace»[3]

L’efficacité de cette conception atteint le point le plus haut dans sa puissante homélie du dimanche 23 mars 1980, un discours critique, une référence à jamais pour le monde entier. Un appel aux membres de l’armée, une invitation à la désobéissance : «Un soldat n’est pas obligé d’obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter» puis le lendemain, le 24 mars 1980, il est tué par des escadrons de la mort.

Un repère emblématique et inspirant pour aujourd’hui

Au-delà de positions idéologiques à caractère politique ou religieux, la société d’aujourd’hui cherche  des terrains  d’entente plus larges qui puissent convoquer des organisations et individus : la non-violence et la désobéissance civile surgissent comme des stratégies d’action efficace pour faire avancer la société.

Ces stratégies ont  historiquement été associées aux grands défenseurs des droits et libertés. Quarante ans après l’assassinat d’Oscar Romero, de nombreux défis du monde actuel tels que les guerres, les changements climatiques, les crises économiques, les migrations internationales, attendent toujours des réponses.

Quelle est alors la place d’Oscar Romero dans notre mémoire collective ? Comment sa vie, son héritage et son témoignage sont des repères emblématiques qui inspirent les collectivités pour transformer les situations d’injustice qui persistent ?

Ils lui imposèrent le silence, mais l’histoire ne restera pas silencieuse …

Vous pouvez trouver cet article aussi sur le webzine Rencontre, Vol. 10, n 30, mars-avril-mai-2020 du Centre culturel chrétien de Montréal (CCCM), à la page 32: PENTECÔTE ET MISSION

L’événement commémoratif prévu le 28 mars 2020 a été reporté à une date ultérieure. Pour en savoir plus (la nouvelle date sera bientôt affichée ici)  : Action non-violente et crise écologique: Journée Oscar Romero

Gloria Elizabeth Villamil, coordonnatrice d’Antennes de paix

coordinationadepaix@hotmail.com

[1] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00974349/document

[2] Citation sur : http://paxchristi.org.uk/wp/wp-content/uploads/2017/04/Nonviolence-and-witness-of-Oscar-Romero.pdf

[3] Boisvert, D. (2017). Nonviolence. Une arme urgente et efficace. Montréal: Les Éditions Écosociété.

 

 

Catégories
Visages et rencontres au-delà des frontières

Toi, qui pleures et vis la guerre…

enfant-yezidie-wb3

 

Chère petite sœur yézidi,

toi qui habites au bout du monde,
Et qui résides aussi dans mon cœur,
Dans mon humanité la plus profonde

Toi, qui pleures, et vis la guerre,
on a tué ton père violé ta mère,
on vous a chassé de vos terres,
vous a fait perdre tous vos repères..

toi qui as déjà vécu trop d’épreuves, toi dont le cœur d’enfant a été trop vite plongé dans la dure et brutale réalité d’un monde d’adulte, loin des poupées, de l’innocence, des rires et du jeu.

 

S’il te plait, tiens bon! J’aimerais t’encourager à continuer de semer de tes petites fleurs de petite fille, au cœur d’un monde malade..

Tes pleurs me font fondre… Je ne trouve pas de mots pour te consoler. J’aimerais tant te faire un gros câlin, arracher toute cette souffrance qui t’habite. Et surtout t’aider à retrouver la flamme qui illumine tes yeux, et réchauffer ton cœur.

Mais je ne peux que reconnaître mon impuissance, et te remettre entièrement entre les mains de notre créateur qui nous aime tant!

Je le prie de te bercer, de t’entourer de Son amour et de Sa tendresse, et surtout de te faire retrouver rire et sourire, et la paix du cœur !

Illustration et texte de Mélissa

_______

Nous continuons cette semaine notre nouvelle série de Visages et rencontres au-delà des frontières, un appel à sortir de l’indifférence et à se sensibiliser aux détresses de notre humanité au moyen de l’écriture et la création d’images solidaires. Cette semaine, nous vous présentons un portrait de cœur qui fait suite à l’appel que nous avions publié en faveur du peuple « Yézidi » (ou « Yazidi »). Pour participer, ajouter vos commentaires, ou nous rejoindre à accueil@antennesdepaix.org  pour faire partie de l’équipe d’écriture et d’illustration.

_______

Commentaires inspirés par le dessin de la fillette Yézidie

Comment est-ce possible que les enfants soient piégés par les jeux des grands? Qu’est ce qui ferait que nous nous réveillerions et que nous jetterions nos armes à terre et que nous redonnerions l’Enfance aux enfants. Un visage d’enfant sans espoir est un paysage sans vie.

Marie-Claude

Ils sont partis, faisant claquer leurs bottes. Tu n’oses pas te retourner au cas où ils reviendraient à la charge pour virer à l’envers le coin de maison que tu habites.

Désolation. Tu ne comprends pas qu’on s’attaque à une enfant. Où sont-ils ceux qui pourraient te protéger?

Seule, tu es seule.

Tu ne sais pas encore que tu es forte, que tu portes en toi un trésor de résilience qui te permettra de te relever pour continuer la route.

Aujourd’hui n’est que tristesse, peine, crainte et appréhension.

Demain se lève mais tu ne vois pas encore le jour.

Viens avec nous guetter l’aube. Viens, lève-toi pour saluer un jour nouveau qui chassera la nuit.

Gisèle

Le désespoir envahit parfois

quand la route est trop longue

quand le ventre crie de faim

les bébés pleurent toute la journée

le vieilles dames autour gardent le silence

les hommes cherchent sans cesse des solutions introuvables

et nous les enfants, les adolescents, qui cherchent juste à s’amuser

car nous sommes incapables de comprendre pourquoi

on chercherait à nous tuer

tout simplement pour nos croyances mal comprises

Colette

….

Combien de larmes, coulant à flots de combien d’enfants, faudra-t-il pour que nous soyons véritablement à l’écoute de la souffrance engendrée par nos convictions aveugles et conflictuelles. Comment se fait-il que nos raisonnements les plus articulés en arrivent immanquablement à la décision d’exclure et de combattre au moyen des armes comme s’il n’y avait pas d’autres issues possibles.

Tu ne le sais sans doute pas, petite fille yézidie, mais cette montée de larmes subite qui inonde ton visage vient de très loin. Ce sont les larmes de tout un peuple qui crie sa douleur. Ce sont les larmes de milliers et de milliers de tes frères, sœurs, parents et ancêtres ayant souffert de persécutions et de massacres durant des centaines d’années.

Pourquoi est-ce à toi, petite fille, que revient l’appel pressant de pleurer toute  la détresse d’un peuple. Sans doute parce que le cœur des grands s’est endurci, parce qu’ils ont endigué les vallées de larmes depuis des siècles  et des siècles, détournant le flot de la tristesse d’une humanité déchue dans des conduits souterrains inaccessibles.

Il ne reste peut-être plus que des petites filles au cœur tendre comme toi pour exprimer toute la douleur et solitude d’un peuple, peuple incompris tout simplement parce qu’il ne prie pas de la même manière que les autres.

manu

Et pour terminer une prière envoyée pas Anne :

C’est à toi, Sainte Marie, qu’est confiée cette souveraine montée de larmes,
Préserve-la de toute amertume, de toute colère.
Permet à cette eau bienfaisante de trouver son achèvement dans la prière de la Pentecôte, adressée à l’Esprit Saint :

 » Sans ta puissance divine,
Il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.

Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé. »

***
Que cette enfance tôt « alarmée »
« alarme » en nous ce qui doit l’être.

Catégories
Visages et rencontres au-delà des frontières

Pourquoi avoir parcouru tout ce chemin si toi tu n’y es pas?

enfant-migrant-wb
Illustration réalisée d’après une photo de Kate Holt publiée par le Comité international de la Croix-Rouge à l’occasion de la Journée internationale des réfugiés. https://www.icrc.org/fr/document/world-refugee-day-2015

Sous le regard de l’enfant migrant

Dans la série : Visages et rencontres au-delà des frontières,

 

C’est vrai, je regardais ailleurs.

Je voyais les statistiques, les politiques internationales et l’ampleur du mouvement des populations en marche sur les chemins. J’entendais les débats enflammés sur le devoir d’asile ou l’urgence de protéger nos frontières.

Mais toi, l’enfant migrant, je ne te voyais pas. Ou plutôt je te voyais du coin de l’œil, de dos, anonyme perdu dans la foule des personnes s’accrochant au navire en train de chavirer.

Et surtout, je n’avais pas vu ton regard. Je n’avais pas vu que tu étais toi-même en train de me scruter depuis un certain temps. De ce regard vulnérable mais patient qui me répétait :

« Pourquoi avoir parcouru tout ce chemin, pourquoi suis-je venu jusqu’ici, si toi, tu n’y es pas, si toi tu n’es pas au rendez-vous? »

Tu attendais avec anxiété que je te voie, que je te reconnaisse. Et moi, le regard tourné ailleurs, je t’ignorais.

Pardonne-moi, je m’étais pourtant promis de ne plus t’oublier, toi le laissé pour compte, l’exilé, le mis de côté. Quand vais-je me décider à me préoccuper de l’essentiel? Non des idées et des peurs qui déchirent le monde, mais bien de toi, présent, juste là, ici, toi qui attends encore un signe de mon cœur.

Dessin et texte de manu

 

Cet enfant migrant…

Il s’excuse presque d’être là, nous interrogeant avec douceur mais droit dans les yeux. Il vient de nuit frapper à notre porte, avec son cœur plus qu’avec ses poings car on ne voit même pas ses mains. Espérons que sa réserve, sa supplication ne se retourne en violence, faute de secours. Quel message de l’artiste… ou plutôt ce que je perçois en découvrant son œuvre.

Un enfant migrant. Il s’excuse presque d’être là. Dissimulé sous ce drap, cherche-t-il un abri? Un proche? Il n’a que des yeux. Je ne suis pas sûre de pouvoir soutenir son regard. Ou ses questions du genre pourquoi le monde est ainsi fait? Suis-je prête à entendre sa question? A-t-il simplement envie de jouer ou de se retrouver dans mes bras?

Si je le reçois chez moi, chez nous, je crains qu’un jour il ne reparte sans se retourner pour dire adieu ou merci. Si je lui refuse l’hospitalité, je crains que sa supplication ne se retourne en violence. La dureté de cœur s’installe trop facilement dans l’expérience du rejet.

Qui de nous deux a le plus besoin d’être rassuré?

À son âge, il n’est pas normal de perdre son foyer. Quelles peurs a-t-il traversées? Quelles nuits a-t-il passé sur les routes de l’exil? A-t-il voyagé seul comme des centaines de mineurs non accompagnés qui arrivent aux frontières, exposés à tous les commerces et dangers?

Ce que je sais, c’est qu’il a besoin de sécurité pour grandir et se développer comme tout être humain.

Noirceur rime avec peur. À la faveur du matin clair, mes peurs se dénouent. Tout à coup mon cœur bat pour lui, pour ses parents invisibles, peut-être introuvables, disparus. La confiance renaît et avec elle un sentiment d’admiration pour lui ou pour elle, pour celles et ceux qui l’ont mené jusqu’ici. Pour ses parents qui ont décidé que, à cause de leur enfant, il valait la peine de tout risquer.

Viens, viens rassasier ton cœur de l’amour dont tu auras besoin encore longtemps pour aller au bout de ton chemin.

Tu as déjà fait de grandes choses en prenant le risque de partir, le risque de venir. Au fond, toi, l’enfant migrant, tu mérites le Prix du Public pour la Paix pour ton courage, ton endurance, et pour les joies que tu sèmes quand tu es enjoué. Alors tu aides les grands à vivre au présent.

Témoignage de Gisèle

Visages et rencontres au-delà des frontières

Nous inaugurons aujourd’hui une série de portraits sans frontières, de rencontres cœur à cœur avec des personnes de notre grande famille humaine. En s’inspirant de photos diffusées sur le web, nous nous laissons interpeller par celle ou celui qui nous rappelle que sur notre planète se vit encore de la détresse, des conflits et des inégalités sociales. Une façon d’être à l’écoute des appels à une humanité plus solidaire et aimante. En prenant le temps de dessiner la personne rencontrée et d’écrire ce qui est porté à notre conscience par cette rencontre, nous tentons de sortir de la banalisation et de l’indifférence omniprésente dans notre culture surinformée. Surinformée mais sous-développée en véritable compassion et miséricorde. Vous êtes invités à joindre vos commentaires et témoignages.