« Au-delà du pardon », de Imad Karam  

 

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Ce film raconte le voyage inspirant de deux Sud-Africains qui apportent la guérison et la réconciliation post-apartheid en Afrique du Sud. Ginn Fourie et Letlapa Mphahlele forment un duo improbable : un homme athée noir et une femme chrétienne blanche. L’un a souffert directement des actions de l’autre – les deux ont été des victimes au-delà de la douleur. Ce qui les rassemble est une histoire profonde et tragique, remplie d’espérance. Une lumière puissante qui vient éclairer une époque pleine de violence et de brisures.

Pour résumer, Letlapa, un ancien combattant pour la liberté, Président actuel du Congrès panafricain,  poète et philosophe, autorisa une attaque contre une taverne de Cape Town en représailles contre le massacre brutal d’élèves noirs par les forces armées sud-africaines.

La fille de Ginn, Lyndi, mourut tragiquement dans la fusillade. Ginn veut connaitre « l’homme méchant » qui a autorisé le massacre des innocents. Elle découvre un homme sincère pris dans la souffrance de l’homme noir d’Afrique du Sud.  S’ensuit un cheminement profond qui mène à leur désir conjoint d’unir leurs forces au sein de la fondation Lyndi Fourie dans un effort de plus profonde conciliation en Afrique du Sud.

L’histoire d’un cheminement post-apartheid, lumineux, empreint d’humilité, vers la guérison et l’amitié, qui a inspiré les communautés dans le monde entier.

« J’ai sangloté presque dès le début lorsque j’ai écouté ce film pour la première fois. Dans un univers médiatique noyé dans les mauvaises nouvelles, ce film m’a fait l’effet d’un baume de lumière sur mon cœur d’humanité meurtrie. La beauté de l’amour véritable nous rappelle notre profonde nature humaine et ça redonne espoir. Oui, la Vie sur terre est possible! »

Marie-Claude Bénazet

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Pour sur-vivre, dire adieu aux préjugés

Les « morts bénéfiques »

par Anne Allard

Ce récit, qui nous montre comment se sont évanouis les faux jugements que portaient l’une sur l’autre des personnes qui ne s’étaient jamais rencontrées auparavant, nous rappelle à l’ordre : « N’enferme personne dans le tombeau de ta perception avant de l’avoir rencontrée, de l’avoir vue et entendue et enfin d’être touché. »

Lorsque Ginn Fourie décide d’aller écouter une conférence donnée par Letlapa Mphahlele, celui qu’elle a mis en boîte et étiqueté « l’homme Mauvais », responsable de l’assassinat de sa fille, elle ignore que toute une série de morts et résurrections vont avoir lieu.

Ginn Fourie, tandis qu’elle écoute et regarde « l’homme Mauvais », le voit disparaître, mourir et renaître dans Letlapa Mphahlele, homme à découvrir, livré à un combat politique pour lequel il est prêt à souffrir, à mettre en jeu sa liberté d’homme. Bien sûr, de manière tout-à-fait simultanée, Ginn Fourie chargée de Letlapa, « l’homme Mauvais », disparaît, meurt et renaît dans Ginn Fourie à la découverte de Letlapa Mphahlele vivant, surprenant. Dès lors, tout est prêt pour la rencontre pendant laquelle, bouleversé par le pardon de Ginn, Letlapa, le combattant acharné « contre » un apartheid étiqueté « monolithique » disparaît, meurt et  renaît dans Letlapa  interrogatif, courant à la « ren-contre » de ses ennemis ; prêt à se défaire de toute conclusion prématurée.

Ginn et Letlapa agissent maintenant ensemble grâce à la mort sans souffrance et bénéfique de quelques préjugés !
Serait-ce possible à distance ? Même un préjugé ne peut mourir s’il n’y a rien pour l’accueillir. Le mensonge ne meurt de sa belle mort que dans les bras de la vérité.

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Au-delà du pardon, un cadeau sud-africain

Par Gisèle Turcot, paru dans le bulletin Initiatives et Changement de l’hiver 2015

Le 5 décembre 2014, répondant  à l’invitation conjointe des Antennes de paix et d’Initiatives et Changement, une trentaine de personnes ont été profondément touchées par le film  Au-delà du pardon.

Ce film raconte l’histoire étonnante de pardon et de réconciliation de Ginn Fourie, une dame blanche et chrétienne et Letlapa Mphahlele, un leader noir athée, responsable de représailles publiques contre l’apartheid en Afrique du Sud où Lyndi, la fille de 17 ans de Ginn a été tuée. Une rencontre d’une fécondité inattendue qui va changer leur vie mais aussi, celle de nombreuses personnes habitées par les souvenirs douloureux de cette période tragique.

Le 6 novembre 1993, la fille de Ginn perd la vie dans l’attaque visant des membres des services de sécurité et de renseignement. Pendant que Ginn vit son deuil, souffrance et colère s’emmêlent au sentiment d’injustice. Puis en 2002, elle se rend à une réunion de presse de Letlapa à l’occasion du lancement de son livre « Enfant de cette terre ». Elle pensait voir enfin cet homme mauvais mais confie-t-elle, « j’ai commencé à ressentir une certaine admiration pour lui, par rapport à son honnêteté et son intégrité ».

Ce film répond à la question que pose Ginn : « Comment passer du statut de victime à celui de survivant puis de guérisseur blessé? » Chrétienne, elle décide de renoncer à son droit de vengeance légitime; lui est athée mais il reconnaît en chacun une dimension spirituelle. Lorsqu’elle lui offre le pardon, il est renversé : « C’était une nouvelle fenêtre qui s’ouvrait sur la vie. »

Le pardon est créateur : une fois réconciliée avec le responsable de la mort de Lyndi, Ginn avec le soutien de Letlapa crée la fondation Lyndi Fourie dédiée à la guérison des souvenirs douloureux de l’apartheid dans les communautés sud-africaines. Une belle histoire de rapprochement s’écrit de ville en village.

Quelques années avant la perte de sa fille unique, Ginn avait réfléchi à son énoncé de mission personnelle, pour en venir à celui-ci : «Étendre la grâce de Dieu à chaque personne que je rencontre». Elle ne réalisait pas alors l’étendue de ce que cela impliquerait. Une véritable et profonde guérison est possible, malgré les situations les plus improbables. Letlapa et Ginn parcourent maintenant le monde pour offrir des ateliers et porter leur message…qu’il y a une vie au-delà du Pardon.

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Quelques extraits de témoignages tirés du film

Diaboliser l’ennemi

Letlapa : « Pendant très longtemps, j’ai diabolisé les personnes contre lesquelles je me battais. »

Effectivement, il est possible d’agir d’une manière inhumaine lorsqu’on déshumanise l’autre. Lors du génocide du Rwanda, une des stratégies employées pour rendre l’adversaire inhumain a été de traiter « les autres, les différents » de coquerelles. Il devient facile et souhaitable donc d’éliminer les coquerelles.

Laisser tomber l’armure

Letlapa : « La Commission vérité et réconciliation n’encourage pas les gens à dire la vérité, et j’ose dire que toute cette mascarade est vouée à l’échec. Vous ne pouvez pas réconcilier le dépossédé et celui qui dépossède. Vous ne pouvez pas réconcilier l’oppresseur et l’oppressé. »

Comment réconcilier David et Goliath, lorsque Goliath tient le gros bout du bâton. Pour qu’une réconciliation ait lieu, il faut que chacun soit réellement reconnu par l’autre en laissant tomber son armure.

L’homme mauvais

Ginn : « Dans mon esprit, quelqu’un qui pouvait commettre un tel acte était un homme mauvais. Mais lorsque je l’ai rencontré et que j’ai découvert son intégrité et son humilité, je n’ai plus eu aucune raison de le laisser à la porte. »

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À la rencontre de l’autre

Letlapa : « C’était comme une nouvelle fenêtre qui s’ouvrait sur la vie, car pendant très longtemps, j’avais diabolisé les personnes contre lesquelles je me battais. Mais lorsque les gens ont tendu la main et ont même été d’accord pour me rencontrer, cela a été comme une ouverture sur un monde qui m’était jusque-là fermé. »

Droit légitime de vengeance?

Ginn : « J’ai pris une décision en toute conscience, une décision de principe, la décision d’abandonner mon droit de vengeance légitime. Ce n’est pas quelque chose que l’on fait sans réfléchir et le pardon fait partie du processus pour quitter l’état de victime. Car quand on prend cette décision de principe – abandonner son droit de vengeance – et quand on commence à voir l’humanité en la personne qui a commis quelque chose contre vous, vous ne ressentez plus que cette blessure est seulement la vôtre, vous commencez à voir les blessures des autres. »

 

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L’humilité de demander pardon

Ginn parle à une assemblée de la communauté noire, dans une ville où on voyait rarement des blancs.

Ginn : « Je leur ai dit que j’avais parlé à mes ancêtres afin de savoir pourquoi nous étions dans cette situation en Afrique du Sud, et qu’ils étaient profondément désolés pour la souffrance et la douleur qu’ils avaient entrainées à travers l’esclavage, le colonialisme, la guerre anglo-boer, puis l’apartheid. Car pour moi, la guerre anglo-boer était directement reliée à l’apartheid. Leur réaction a été immense. Les acclamations et la corne de koudou ont retenti. C’était leur manière d’exprimer leur ressenti par rapport à mes paroles. À la fin, une femme est venue pleurer sur mon épaule, et un jeune homme est venu en disant : « Venez vous faire prendre en photo avec moi s’il vous plait ; dans mon village personne ne croira qu’il y a une femme blanche qui comprend ».

Letlapa : « Elle a fait quelque chose que peu de gens ont fait, sans arrière-pensée. Elle y est allée pour demander pardon à mon peuple pour le colonialisme, l’apartheid, l’esclavage, etc. sans motivations politiques. L’Afrique du Sud souffre d’une maladie de l’âme, nous ne sommes pas une société normale à de nombreux égards. Nous n’avons pas mené l’exercice de guérison à sa conclusion logique. Alors au cours de l’une de mes visites au Cap, où nous avions convenu de nous voir avant que je ne quitte la ville, elle m’a dit qu’une idée lui était venue : celle de créer une fondation. »

Ginn : « La Fondation Lyndi Fourrie a pour but d’apporter la guérison et le pardon en Afrique du Sud. »

Letlapa : « Raconter l’histoire fait partie d’un processus de guérison. Vous vous libérez, vous partagez quelque chose avec des mots, c’est une catharsis. La raison de notre présence ici aujourd’hui est d’apporter la guérison aux communautés et il y a ici une communauté de ! Xun et de Khwe qui ont été utilisés comme éclaireurs en Angola, en Namibie, et même ici en Afrique du Sud. Ils étaient du côté des forces armées de l’apartheid mais après la nouvelle répartition du pouvoir, ils ont été socialement déracinés. Personne ne semble être de leur côté car ils sont une minorité. Ce sont des gens qui sont confrontés à des défis au quotidien : l’alcoolisme ou la toxicomanie en général. Leur détresse est aussi profonde que n’importe quelle détresse. »

Letlapa : « J’admire énormément son courage de travailler avec quelqu’un qui a un vécu tel que le mien, en particulier quelqu’un dont elle a ressenti le militantisme dans sa propre maison, dans sa propre famille. Je pense que l’histoire du pardon telle qu’initiée par Ginn a une signification à différents niveaux et même moi, il me semble que je découvre ou que j’atteins un niveau différent, encore plus profond à chaque fois que cette histoire est racontée. J’ai le sentiment qu’il reste encore de nombreuses histoires à raconter et que les gens refoulent leurs sentiments et leurs émotions. Je veux juste créer un canal de libération pour les gens, afin qu’ils puissent raconter leur histoire. »

Ginn : « Imaginez que, dans la souffrance, dans la séparation, dans la mise à l’écart et dans la solitude, nous reconnaissions notre complicité dans les injustices du passé. Que nous nous donnions la main à travers la division, en tant qu’individus et communautés  et que nous et nos  dirigeants, nous ayons un comportement responsable. »

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Extrait du Guide d’animation utilisé avec le film

Quelques années auparavant, Ginn avait réfléchi à son énoncé de mission personnelle, pour en venir à celui-ci : «Étendre la grâce de Dieu à chaque personne que je rencontre». Elle ne réalisait pas alors l’étendue de ce que cela impliquerait.

Cet énoncé jetait peut-être en réalité les fondations de tout ce qui a suivi. En tant que chrétienne, elle dit être touchée profondément par l’image d’un Dieu désireux de s’incarner sur une terre rebelle afin de démontrer ce qu’est l’amour inconditionnel. Elle croyait que sa fille avait été tuée par des hommes habités par le mal. Ses prières étaient cependant inspirées par Jésus : «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.» Elle ressent beaucoup de frustration face aux pièges de la religiosité. Pour elle, la foi se doit de mener à des actes concrets dans les défis rencontrés dans la vie.

Elle a demandé à Letlapa « Crois-tu en Dieu ? », cherchant la bonne approche avec lui. Il lui a répondu qu’il était athée, mais qu’il croyait que tous les humains étaient des êtres spirituels. Elle a bientôt compris que, pour Letlapa, présenter des excuses était trop facile et qu’il serait appelé à bâtir des ponts pour la réconciliation entre les communautés.

Liens intéressants pour aller plus loin :

http://www.iofc.org/fr/le-documentaire-au-dela-du-pardon-remporte-le-golden-award-de-linspiration

http://initiativesofchange.net/node/6269    (reportage sur la présentation du film à Londres)

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Si tu veux la paix, ne parle pas à tes amis. Parle à tes ennemis.                                     

Desmond Tutu, archevêque, Afrique du Sud

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AU-DELÀ DU PARDON – LE FILM

Réalisé avec la collaboration d’une équipe sud-africaine de l’organisation internationale INITIATIVES ET CHANGEMENT

Protagonistes : Ginn FOURIE et Letlapa MPHAHLELE
Réalisateur : Imad Karam, palestinien
Chef de production : Howard Grace
Directeur de la photographie : Andrew Hinton
Édition (Edit Producer) : Adam Woods
Durée : 28 minutes
Disponible en DVD

http://www.iofc.org/fr/le-documentaire-au-dela-du-pardon-remporte-le-golden-award-de-linspiration

Le guide d’animation bilingue qui accompagne le film peut être téléchargé à partir du site:
http://uk.iofc.org/Films-to-watch/Post-Apartheid-Beyond-Forgiving#sthash.bYjdvuI6.dpuf

Au-delà du pardon. Un témoignage sud-africain. Guide d’animation pour utiliser avec le film. Beyond Forgiving. A South African Story. Study Guide for use with the film.

Initiatives et Changement
195 avenue Gérard, LaSalle,
Québec, H8P 2A2, Canada
514 – 364 9808

info@ca-iofc.org

Initiatives et Changement (Québec) propose des rencontres avec ce film: http://ca.iofc.org/fr/vid%C3%A9os-et-films

l.gagnon@ca.iofc.org  ou  jvumiliya@ca.iofc.org