Quand revient au calendrier le 6 août, le jour le plus sombre et destructeur du XXe siècle, John se souvient de l’inquiétude qu’il a éprouvée au retour de l’école en guettant des signes du déclenchement des missiles russes à Cuba dans le ciel. On était au début des années 1960. Il ignorait tout de ce qu’il apprendrait plus tard du bombardement de Hiroshima et Nagasaki. Il ignorait aussi qu’il vivait dans un état américain offrant de bons emplois dans des entreprises qui fabriquent des armes nucléaires.
En visitant le Japon, John a compris qu’il avait eu de la chance de rentrer chez lui, d’y retrouver une famille et une maison, un abri paisible que les enfants de Hiroshima courant à toute haleine dans les éclairs de feu n’avaient pas même atteint. Au fur et à mesure qu’il a poursuivi ses recherches et pris conscience de l’horreur de la bombe larguée au matin du 6 août 1945, il a enfin saisi le rôle que son pays a joué dans la fabrication de cet engin de mort. Comme nous-mêmes en 2023, sans avoir couru au grand écran voir le film américain Oppenheimer, nous savons que des scientifiques de plusieurs pays, dont le Canada, ont pris part à ce jeu du qui-perd-gagne. Mais nous n’en parlons pas, ou si peu.
Si nous voulons que cessent les menaces du recours aux armes nucléaires, si nous avons à cœur le sort de l’humanité et de l’environnement, si nous sommes assez lucides pour entrevoir les risques énormes de l’usage du nucléaire sur les personnes et l’environnement, pouvons-nous au moins entreprendre la conversation? Une conversation à voix basse en premier, un lieu pour avouer notre peu de souci pour ces questions complexes qu’on préfère laisser aux experts; un lieu pour nous dire tout de suite que le fait de vivre une telle interdépendance entre les économies de la planète impose une course contre la montre si nous voulons continuer à vivre dans une société assez juste pour qu’y règne une paix durable.

Si notre génération ne le fait pas, qui le fera? et quand?
C’est le choix que fait une jeune Canadienne de la génération Z, Kasha Sequoia Slavneri.
Engagée dans la réalisation d’un second documentaire, elle devient le porte-voix respecté et passionné de toute une jeunesse inquiète de l’interconnection entre les armes nucléaires, les changements climatiques et la paix. Kasha veut susciter un mouvement qui relie l’état de la planète à une perspective de paix. Le refus du discours qui tolère l’emploi des armes nucléaires en fera partie.
C’est d’ailleurs un groupe engagé depuis longtemps pour l’élimination des armes nucléaires, basé à Toronto, qui invite Kasha à prendre la parole le dimanche 6 août 2023 à un événement publicii. On peut espérer que ses convictions affirmées déclenchent et alimentent la conversation si nécessaire en ce temps de grande tension entre des puissances qui possèdent et continuent de développer les armes nucléaires.
À l’échelle des nations, n’est-il pas urgent de rétablir les indispensables conversations? Il y a place pour l’espoir d’un règlement à terme même si des intérêts en cause s’ingénient à les repousser le plus possible.
Avant de larguer la bombe sur Hiroshima, les États-Unis avaient appris que l’empereur du Japon se préparait à terminer la guerre. On l’a lancée quand même pour démontrer qui possédait l’arsenal le plus sophistiqué. Comme nous apprendrons sans doute un jour que le conflit russo-ukrainien a perdu des occasions de trouver une solution parce que des intérêts en cause imposent leur agenda.
En terminant, je dois vous dire que John est devenu un leader religieux inspirant. Il a publié en 2022 une lettre à la fois poétique et extrêmement bien documentée qui fera date : il invite ses concitoyens à entreprendre une conversation au New Mexico et dans tout le pays, dans un esprit de paix, pour partager réflexions, préoccupations et prières afin d’« arrêter de construire de telles armes, de désarmer notre pays et le monde entier, et de mettre le cap sur un avenir qui ne connaîtra ni la peur ni la menace terrifiante des armes nucléaires »iii.
Gisèle Turcot
i En savoir plus sur le film 1.5 Degrees of Peace, de Kasha Sequoia Slavner (Canada) : https://www.youtube.com/watch?v=IQWv1xRdFPY
ii C’est l’initiative du Hiroshima-Nagasaki Day Coalition (HNDC). Voir l’affiche et le lien zoom : http://hiroshimadaycoalition.ca/

iii Living in the Light of Christ’s Peace. A Conversation Toward Nuclear Disarmament. A Pastoral Letter by Most Reverend John C. Wester, Archbishop of Santa Fe, January 11, 2022, 52 p. 220111_ABW_Pastoral_Letter_LivingintheLightofChristsPeace_Official_Reduced.pdf

